Philippe Delerm à Giverny

In English : Philippe Delerm in Giverny

Extrait de "Les chemins nous inventent",
Editions Stock,
par Philippe et Martine Delerm.

Avec l'aimable autorisation des auteurs.

Philippe Delerm

Le jardin mouillé

Giverny


Les touristes s'amenuisent. On ne fait plus la queue sur le trottoir, pour pénétrer dans la maison. Tout redevient plus simple, un peu plus vrai, un peu plus calme. Fraîcheur grise, fin d'été : cela suffit pour que tout recommence à vivre, à respirer.

Venir à Giverny dans le jardin mouillé, quand octobre déjà flamboie en vigne vierge rougeoyante sur les murs alentour, quand tout autour le village soudain ressemble à un village, avec ses habitants, son école à la cour penchée, son rythme, son identité. Octobre. Le nom est doux à boire, coule dans la gorge comme un vin muscat. Octobre à Giverny, c'est la promesse d'un automne à la française, où l'onctuosité de la Normandie se mêle à l'aristocratie d'une Ile-de-France toute proche. Partout, au début de l'automne, on fait de la gelée de coings, de mûres. Ici, Monet marchait dans son jardin, et préparait des confitures de lumière.


Photo Martine Delerm

J'entre dans le jardin gris et mouillé. Gris. Je ne l'avais jamais vu chanter dans cette tonalité qui semble froide, et cependant... Les asters, les cosmos aiment la douceur de ce gris, qui rend plus éclatant le blanc, plus délicats, plus nuancés le bleu, le mauve pâle, savamment déclinés en touffes de fraîcheur jusqu'au crépi rosé de la maison, à ses volets vert sombre.


Photo Martine Delerm

Quelques gouttes tombent, et je me dis qu'il faut rentrer, comme si j'étais chez moi. Tout est ici si familier : le bruit des pas sur le gravier, les odeurs avivées par le début d'averse. Au pied des marches, je m'arrête un instant. Au-dessus de la rampe, à travers les lanternes vaguement chinoises d'un fuchsia, la petite porte verte aux vitres embrassées est si vivante. Ce n'est pas un gardien qui pourrait la pousser tout à coup, mais une cuisinière d'autrefois, le torchon sur l'épaule, et sur la tête un bonnet blanc gaufré.

Dans la maison, l'atelier tapissé de copies du maître ne parle guère - on ne vient pas ici pour trouver des copies. Mais juste avant, dans une pièce minuscule, il y a ces deux meubles amusants où l'on rangeait les oeufs. L'idée de chaleur blonde, de sensualité fermière s'accorde délicieusement au raffinement bleu des estampes japonaises. De la chambre du premier étage, c'est bon de regarder le jardin en contrebas, en se sentant un peu seigneur des lieux, au seuil d'une fraîche journée d'octobre. La pluie s'est arrêtée. Des parapluies se ferment au hasard des allées, une flèche de soleil vient de jouer sur les asters, les capucines. Je vais les retrouver, juste entre deux ondées. Mais d'abord m'attarder un peu dans la lumière jaune de la salle à manger, dans la lumière bleue de la cuisine, avec ses théories de casseroles en cuivre, sa cuisinière en fonte généreuse et monumentale - on imagine des parfums, des gestes vifs, des vitres embuées... 

Dans le jardin trempé, les dahlias sont les vedettes de l'automne, du rose dragée au rouge sang, du pastel au velours, avec au bord de leurs pétales ce qu'il faut de légèreté, mais au coeur de la fleur ce qu'il faut d'opulence. Les cléomes ébouriffés affectent de ne pas trop s'en vexer, mais non, vraiment, leur rose est un peu grêle, leur forme trop sophistiquée. Quelques roses tardives et sombres se rouillent imperceptiblement, stoïques et penchées, comme accablées par le poids de leur beauté finissante.

Plus loin, deux amoureux s'embrassent sur un banc, près de l'étang des nymphéas. Monet aurait aimé cette lumière entre deux pluies, cet éclat furtif d'un soleil menacé. Devant le pont japonais, tout étonné du silence nouveau, du charme retrouvé, un sumac déploie voluptueusement la luxuriance orangée de son feuillage tropical. Tout au long de l'étang, les érables sont d'octobre en rouge pomme, en jaune mordoré.

Près des roseaux, d'un aster mauve, la barque en bois vert pâle, avirons sagement couchés, invite au voyage presque immobile, dans un infime clapotis qui n'effaroucherait ni les reflets des saules en longues chevelures, ni les feuilles pâlies flottant sur l'eau. C'est ça, aussi, le miracle de Giverny : malgré les autres, chacun y redevient soi-même ; chacun trouve au bord de l'étang ce reflet du bonheur qui chante pour lui seul son secret de lumière.


Philippe Delerm

Extrait de "Les chemins nous inventent",
Editions Stock,
par Philippe Delerm (textes) et Martine Delerm (photos).

Avec l'aimable autorisation des auteurs.

Voir aussi :

Visite du jardin de Claude Monet
Liste des plantes et des fleurs du jardin de Claude Monet
Calendrier de floraison du jardin de Claude Monet
Le jardin de Claude Monet en automne
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Vue aérienne des jardins de Claude Monet (78 Ko)
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Wednesday, 09-Sep-2015 10:14:54 EDT