Un lieu pour l'oeil, Monet dans son jardin à Giverny

English version :

Compte rendu d'une conférence intitulée A Site for Sight: Monet in His Garden at Giverny, (un lieu pour la vue : Monet dans son jardin à Giverny) et donnée par Michael Marrinan, professeur associé d'art et d'histoire de l'art, le 13 mars 2001 dans l'auditorium du Cantor Center for Visual Arts, Department of Art and Art History's Faculty. Avec l'aimable autorisation de John Sanford, écrivain, News Service de la Stanford University.

La barque sur l'étang aux nymphéas à Giverny, photo Anne Chrysotème
Tous les matins, un jardinier parcourait en barque l'étang de Claude Monet près de sa maison à Giverny. Il devait nettoyer méticuleusement les nénuphars souillés par la suie des trains qui passaient. Le maître exigeait que les nymphéas soient immaculés quand il montait dans son bateau le matin.

Monet déménagea à Giverny, un village près de la Seine à environ 70 kilomètres à l'ouest de Paris, en 1883. Là, il dessina un bassin, remodela la majeure partie du jardin, et créa les célèbres peintures de nymphéas, de massifs de fleurs et du pont japonais.

Cependant bon nombre de ses dernières toiles ne correspondent pas à la définition classique de l'Impressionnisme. La technique de Monet s'est profondément modifiée à Giverny.

L'Impressionnisme, un courant pictural qui a débuté en France dans les années 1870, est caractérisé par de petits coups de pinceaux destinés à reproduire la lumière réfléchie, et surtout, l'impression visuelle de l'artiste devant une scène, généralement en plein air. Monet est considéré comme l'un des fondateurs de ce style.

Mais à Giverny, le travail de Monet se met à refléter de plus en plus ses souvenirs et ses émotions plutôt que l'impression d'une scène transitoire. Son style devient aussi plus physique. Les coups de brosse minutieux de ses oeuvres de jeunesse font place à des coups de brosse plus larges. Dans les années 1870 il peignait par mouvements du poignet, tandis que dans les années 1920 il effectue de grands mouvements du bras et de tout le corps.

En même temps que le maniement du pinceau se fait plus "physique", les toiles de Monet s'agrandissent, ce qui demande plus de déplacement de la part du spectateur. Monet crée les Grandes Décorations (1918-1926) - 20 tableaux de dimensions imposantes qui font le tour complet de 2 salles et représentent la lumière et les reflets dans son étang aux nymphéas - sur des panneaux de 2 mètres de haut et 6 mètres de large. Les peintures entourent les spectateurs, qui doivent marcher à travers la pièce pour les regarder.


"Nymphéas", vers 1920 (détail) Musée Marmottan, Paris


"Le Jardin de Monet, les iris" Claude MONET (1900) Musée d'Orsay, Paris
Monet se sentait plus libre d'expérimenter sur le plan technique - en utilisant des toiles de plus grandes dimensions et en s'appuyant moins sur une vérification constante du motif - parce que, dans son jardin, il pouvait contrôler la nature. Un motif ne s'y trouvait pas par accident, il était au contraire le résultat d'une intention délibérée. Monet concevait les massifs de fleurs et coordonait les couleurs. Quand le pétale blanc d'un nénuphar était souillé de suie, on le nettoyait.

Le jardin était planté à la lumière des tableaux pas encore peints, et les peintures acquéraient une sorte d'audace lumineuse par le fait qu'elles répondaient à un jardin organisé au préalable. Si bien que se créait une sorte de relation réciproque entre le jardinage et la peinture. Monet allait plus loin dans ses expérimentations techniques que lorsqu'il était confronté au chaos de ce que l'on pourrait appeler la nature à l'état brut. Dans ce sens, le jardin était plus qu'un sujet, c'était un site, un lieu adapté à une façon spécifique de voir et, partant, à une façon spécifique de peindre.

Comparons le "Boulevard des Capucines" (1873) de Monet, une oeuvre impressionniste classique, à l'un de ses tableaux de nymphéas de 1908.
L'oeuvre de 1873 dépeint une scène vue d'en haut. Les hommes qui se penchent au balcon, sur la droite du tableau, ont approximativement la même vue de la scène que nous. Dans cette oeuvre, Monet a rassemblé l'information relative à un moment transitoire à l'intérieur d'un cadre. En outre, l'oeuvre représente un lieu défini.


"Carnaval, Boulevard des Capucines à Paris"
Claude Monet. (1873) Musée Pouchkine, Moscou 


"Nymphéas" (détail) Claude Monet  (1908) Collection privée
En revanche, les nymphéas ne fournissent pas de telles coordonnées géographiques. Ils sont plus oniriques, moins représentatifs d'un endroit précis et d'un point de vue. En réalité, Monet ne vérifiait sans doute pas très souvent ses motifs quand il travaillait à l'une de ses oeuvres tardives à Giverny.

Pour Monet, le jardin était une nature morte vivante qui le laissait libre de sonder les profondeurs de sa mémoire et des ses émotions, plutôt que d'enregistrer simplement son "impression" d'une scène. De la même façon, les séries de meules de paille que Monet peignit en 1890 et 1891 étaient, grosso modo selon la même définition, des natures mortes. La paille gardait la même forme jour après jour. C'est là que Monet osa expérimenter de nouveaux procédés en matière de couleur et de technique.

Monet ne se sent plus l'obligation de remplir l'image de données sensorielles afin de pousser l'effet de notre 'instant de reconnaissance' à son maximum. Une nouvelle forme de durée se développe dans ces séries de tableaux. Souvenir, reformulation, déplacements d'avant en arrière et à travers l'espace deviennent tous partie prenante de l'acte de voir. De même, lorsqu'il travaillait à la série des cathédrales de Rouen entre 1892 et 1894, Monet pouvait improviser avec sa technique picturale, puisqu'il utilisait comme motif la façade immuable de l'édifice.

"La maison vue du jardin aux roses" Claude Monet (1922-1924)
Musée Marmottan, Paris
En 1912, une cataracte fut diagnostiquée à l'oeil droit de Monet. Ses deux yeux finirent par en être atteints. La vision défaillante du peintre le poussa encore plus à peindre souvenirs et émotions. Les peintures tardives du saule pleureur, de la glycine et du pont japonais, entre autres plantes familières de son jardin, ne doivent pas être prises pour des points de repères géographiques. Ils reflètent plutôt le mélange de sensations et de souvenirs qui demeurent, ce que nous emportons après avoir visité le jardin.

Beaucoup de ces oeuvres tardives penchent vers l'abstraction, avec leurs couleurs qui se fondent les unes dans les autres et le manque de forme rationnelle et de perspective. Par exemple, 'la maison vue du jardin aux roses, 1922-1924' est une explosion d'oranges, de jaunes et de nuances de rouges, mais le spectateur a du mal à y discerner la vague forme de la maison à l'arrière plan.

La vue diminuée de Monet a ouvert une nouvelle voie à son art. Les souvenirs et l'invisible y jouent un rôle plus important que les perceptions de l'expérience directe. Dans un certain sens, nous devons apprendre à voir ces dernières images de son jardin à Giverny non pas comme des images rendues de plus en plus confuses par son incapacité à voir clairement, mais comme des images dans lesquelles les traces dans la mémoire de Monet du lieu qu'il avait planté, entretenu et avec lequel il avait vécu si longtemps, - les chemins, les plantes et les cours d'eau de son jardin - sont venues remplacer les images toujours plus fragiles de son oeil défaillant.

Compte rendu de John Sanford, conférence de Michael Marrinan. Stanford University. Avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Voir aussi :

Visite du jardin de Claude Monet
Liste des plantes et des fleurs du jardin de Claude Monet
Calendrier de floraison du jardin de Claude Monet
Le jardin de Claude Monet en automne
Plan du jardin de Claude Monet à Giverny (91Ko)
Vue aérienne des jardins de Claude Monet (78 Ko)
Trucs et astuces : les bons plans
Conférence : Giverny, lieu de mémoire

Excursion en car ou minibus a Giverny
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